08/04/15 : Cochabamba et Parque Nacional Toro Toro
Nous passons la nuit à Aiquile, petit village et capitale du charango, instrument de musique typique de Bolivie.
Le lendemain, les enfants s’offrent un charango chez un artisan local, fabriqué en bois de …naranjillo.
Nous poursuivons vers Misque puis bifurquons vers une piste qui, d’après notre carte, devrait rejoindre Toro Toro. De multiples passges dans les rios……
Nous interrogeons les habitants de cette région de montagne. Aucun ne connaît cette route, même le village de Toro Toro à une trentaine de km leur est inconnu… Effectivement, il faut se rendre compte que ces gens vivent en milieu fermé dans leur montagne avec très peu de contacts avec l’extérieur. N’ayant pas non plus de voiture, ils ne connaissent donc pas les villages alentours.
Nous passons la nuit dans un village perdu dans la montagne.
Le matin, nous apercevons des enfants se rendant à l’école, dont une maman avec ses 5 jeunes enfants. Au retour, nous lui proposons une poche de vêtements trop petits pour Louis. Elle accepte volontiers, très surprise du cadeau. Une nouvelle vie bolivienne pour les vêtements de Louis…
Deux heures après, la même dame revient au camping-car avec ses 2 plus jeunes enfants, les autres étant à l’école, pour m’inviter à manger chez elle …pendant que Manu et les enfants continuent l’école++ !!!
Après la traversée d’un rio (avec de l’eau jusqu’aux genoux…) et ½ heure de marche, nous parvenons à sa maison. On comprend pourquoi les boliviens dans les campagnes sont toujours chaussés de sandales…nécessaires pour le franchissement des passages à gué, les ponts étant rares.
Elle m’explique vivre ici avec ses 5 enfants de 2,4,6,7 et 9 ans et son mari, souvent absent. Le travail local dans l’agriculture ne fournissant pas suffisamment de revenus à la famille pour vivre (ou plutôt survivre…), son mari part plusieurs mois par an récolter les feuilles de coca dans la région du Tropico, plus au nord. Le lopin de terre autour de la maison permet des cultures de subsistance (pommes de terre, blé, maïs, courgettes, tomates…), les poules et le cochon assurent le complément. La maison est réduite à son strict minimum, 2 pièces avec le toit en tôle, le sol en terre battue, un réchaud à gaz, pas de tables ni de chaises, le repas se prend sous un abri à l’extérieur, assis sur une pierre ou un banc en bois.
Elle me pose de multiples questions sur la France : nos cultures, nos animaux, l’école, nos moyens de locomotion…
En Bolivie, les voitures particulières sont très rares, 90% du parc est constitué de taxis, minibus et bus. Elle m’indique qu’ici, les transports sont assurés par un bus et par un train (en réalité, un bus sur rail…) pour les longs trajets (5H pour effectuer 140 km jusqu’à Cochabamba) et la marche à pied constitue l’essentiel des déplacements.
Elle m’indique que les habitants du village sont peu habitués à voir des étrangers, qu’ils appellent « los gringos », et donc vite apeurés, ce que nous avions remarqué…
Dans ce village, l’école débute à 6 ans et se déroule de 8h30 à 13h30, l’après-midi étant consacré aux tâches de la maison : travail dans les champs, surveillance des troupeaux de chèvres ou de moutons…
Le collège se trouve à 50 km du village dans la ville de Misque sans ramassage scolaire. Donc seuls les enfants des familles qui peuvent louer une maison à proximité de Misque poursuivent leur scolarité…
Nous déjeunons avec un traditionnel bol de riz et petits légumes. Quand je la quitte, elle me donne une poche avec des pommes de terre chaudes, des œufs durs et un mélange de tomate et d’aji (piment local) pour le déjeuner de Manu et des enfants.
Quelle générosité… Et ils ont si peu…
Nous quittons ce village toujours à la recherche de notre route vers Toro Toro…
Nous empruntons un sentier à flanc de montagne pour tomber au bout de 6 km (1/2H…) sur des ouvriers d’entretien des routes, qui nous indiquent que cette piste s’arrête dans 10 km, la suite de la piste étant à l’abandon.
Nous suivons les canalisations d’un gazoduc, uniquement posé sur des pierres taillées.
Après avoir franchi 6 passages à gué et bougé de nombreuses pierres, le porte à faux arrière du camping-car nous empêche de franchir le suivant…
Après 5H de routes pour rien…, nous repartons vers Mizque pour emprunter une route principale et réaliser un grand détour…
Au lever du jour, Manu est pris de fortes douleurs dans les reins. Direction l’hôpital de Mizque à 20 km, 1H de route… Après de premiers examens qui confirment une infection, ils nous dirigent vers l’hôpital de Cochabamba, grande ville à 140 km et 5H de route, mi pavée, mi piste…
Après une radio à l’hôpital de Cochabamba et une échographie dans un centre privé, un calcul aux reins est diagnostiqué. L’hôpital étant surbooké et l’hygiène plus que précaire, nous partons aux urgences d’une clinique privée, considérée comme un établissement de prestige.
Là, ce n’est plus la cohue de l’hôpital… La clinique est à l’image des meilleurs établissements français. La prise en charge aux urgences est immédiate avec un rendez-vous programmé dès le lendemain matin avec un urologue.
Quelle ne fut pas notre surprise de consulter le lendemain un jeune chirurgien urologue spécialisé en implantations rénales et formé en 2008 dans le service du Professeur Gaston à la Clinique Saint Augustin de Bordeaux… Il connaissait même Arcachon, ses plages et se souvenait de sa forte allergie au pollen des pins. Que le monde est petit !
Immédiatement, un IRM est réalisé pour visualiser précisément le calcul et sa taille. Les résultats connus dans l’après-midi, nous revoyons l’urologue pour un traitement. Dans le même temps, l’urologue gère en direct le dossier avec le médecin de notre assurance « voyageurs ».
Pendant que Manu se repose, je visite Cochabamba avec les enfants, 3ème ville de Bolivie avec 650 000 habitants, capitale économique régionale, à mi chemin entre les Andes et la région des plaines.
Seul l’hyper centre a conservé ses bâtisses coloniales, notamment la Plaza 14 de Septiembre
La Cathédrale avec à l’intérieur, une représentation de la Grotte de Lourdes (comme nous avions vu l’an dernier dans une chapelle de Venise…)
Cochabamba et ses bus colorés Dodge
Pause déjeuner avant de rejoindre le Mercado La Cancha, un des plus grands marchés de Bolivie.
Ici, tout est regroupé par secteur : les rues des fruits et légumes, celles des vêtements, celles des chaussures, celles des produits électroniques…
La Bolivie regorge de boutiques ou de marchands de rue vendant des DVD copiés. Pour 4 bolivianos (environ 0.40 E), on peut s’offrir le DVD de l’intégrale des Harry Potter ou des Star Wars ou des Roi Lion… mais en espagnol ou anglais uniquement. Excellent pour les enfants pour l’apprentissage des langues… Nous achetons toute une collection de DVD…
Répétition de musique d’un groupe de collégiens
Le soir, une partie de foot entre Gabriel et un jeune bolivien nous amène à rencontrer une famille dont le père a étudié dans sa jeunesse en Espagne. Nous passons un bon moment ensemble.
Au bout de 3 jours, nous avons le feu vert de l’urologue pour poursuivre le voyage. Il nous confie son N° de portable au cas où nous aurions de nouveau un problème médical en Bolivie.
Nous avons été impressionnés par la modernité des équipements de cette clinique, l’implication, la disponibilité et le professionnalisme des praticiens.
En route maintenant pour le Parque Nacional Toro Toro.
Une grande partie de la route est pavée, une autre en ripio, les passages à gué nombreux…
Et de nouveau des pierres coincées entre les roues jumelées…
Puis nous devons réempierrer un passage à gué…sous l’œil éberlué de 3 jeunes boliviens.
On ne sait pas ce qui les surprend le plus : le camping-car ou le fait qu’on leur refasse la piste ???
Pour finalement terminer bloqué… Il faut réhausser les roues arrières, mettre des pierres dessous, pour débloquer la partie arrière de l’attelage…
Nous traversons ensuite une zone avec un micro- climat plutôt tropical avec mandariniers, citronniers, orangers, papayes, cannes à sucre …
Enfin dans le charmant village de Toro Toro à 2700 mètres, après 6H de route et 140 km…
où l’on retrouve avec grand plaisir Sophie et Xavier (je vous avais bien dit que le handicap vélo équivalait à celui de l’école++ …).
D’une superficie de 16500 km2, de 1900 à 3800 mètres, le parc est truffé de fossiles marins et d’empreintes de dinosaures.
Plus de 2500 empreintes répertoriées dans le parc, appartenant à la période du Créatique Supérieur, de 82 à 65 millions d’années, d’espèces comme le titanosaure, l’hadrosaure, l’anquilosaure, le carnotaure ou le buitreraptor.
Il est obligatoire de faire appel à un guide pour arpenter les sentiers du parc, sauf pour le cimetière des tortues que nous visitons dès notre arrivée, où de nombreux fossiles de tortues et crocodiles datant de 60 à 65 millions d’années, sont encore régulièrement découverts. La projection d’un film sur le parc explique que, 80 millions d’années auparavant, ici c’était la mer.
Le lendemain matin, nous passons par le bureau des guides du parc pour effectuer notre 1ère randonnée.
Casilda, seule guide femme parmi les 42 guides du parc, nous accompagne. Agée de 21 ans, elle est guide depuis l’âge de 12 ans. Aucun guide n’est salarié, l’activité de guide leur procure uniquement un complément de revenus.
Cassilda est guide en moyenne 4 jours par mois. Elle travaille comme assistante auprès des professeurs du collège et suit des cours de tourisme tous les soirs de 18H à 22H.
Nous commençons par visiter la Ciudad de Itas ou Cité de Pierres, après 2H de montée en 4X4 sur une route sinueuse. On arrive au départ du sentier à 3800 mètres. A cette altitude, on cultive encore pommes de terres, maïs, blé…
On s’enfonce dans un labyrinthe de cavités creusées par les vagues lorsque ces falaises étaient en bord de mer au temps des dinosaures.
Une belle balade de 2H où les enfants s’en donnent à cœur joie de grimper, descendre…
De nombreuses formations de pierre gigantesques : arches, tunnels… notamment la grotte « cathédrale », encore utilisée aujourd’hui pour la célébration des mariages
Casilda nous fait également découvrir de nombreuses plantes médicinales, encore utilisées par la population aujourd’hui. Notamment l’ortie, qu’ils ne mangent pas, mais utilisent en maté (infusion) pour améliorer la circulation du sang. Mais également pour flageller le corps des maris infidèles (euh, encore aujourd’hui ???)…
Après le pique-nique, la journée se poursuit par la visite de la grotte de Umajalanta, la plus profonde de Bolivie avec ses 7 km.
Juste avant la grotte, nous découvrons de grandes empreintes de dinosaures.
Equipés de casque et lampe frontale, nous parcourons 1.5 km sous terres.
Ici, les boliviens appellent ça un circuit touristique, en France on appelle ça de la spéléologie… Passage de chatière de 8 mètres, franchissements de passages grâce à des cordes accrochées contre les parois… C’est une succession de 9 « salles » aux diverses formations calcaires, que l’on traverse en marchant à 4 pattes, en rampant, en rentrant le ventre pour franchir des passages plus qu’étroits…
Et vers la fin, une petite lagune souterraine où vivent une espèce de poissons aveugles, endémiques de Toro Toro et d’un grand intérêt scientifique.
Cette grotte, un véritable coup de cœur pour les enfants, Grégoire s’est découvert une passion pour la spéléologie…
Notons également que l’enthousiasme et la gentillesse de Casilda qui s’est prise d’affection pour les enfants, y sont pour beaucoup…
Casilda a toujours vécu à Toro Toro, bercée dès sa naissance par les langues quechua et amayra que ses parents parlaient à la maison. Elle a découvert, comme ses 3 frères, l’espagnol à l’école… Sa famille de 6 personnes, très pauvre, a bénéficié d’aides de l’état pour l’achat de matériaux pour construire leur maison composée de 2 chambres et d’un salon-cuisine.
Leur nourriture se compose essentiellement de pommes de terre, maïs, riz, pâtes, fèves… Ils consomment très peu de viande, seulement un peu de poulet et de mouton. Les bœufs sont utilisés pour les travaux dans les champs. Le peu de lait consommé est de chèvre. Les moutons fournissent viandes, peau et laine. L’école se termine à 13h pour permettre aux enfants de travailler l’après-midi dans les champs ou bien garder les troupeaux.
Après une bonne nuit de repos, nous repartons le lendemain toujours avec Casilda pour visiter le Canyon de Toro Toro. Egalement accompagnés d’un australien, qui ne comprend pas l’espagnol et à qui nous devons tout traduire…
Le passage par la maison du guardaparque nous sensibilise aux espèces d’oiseau en voie d’extinction, notamment la paraba frente roja, oiseau emblématique de Bolivie et endémique de ce parc, menacé de disparition. Cet oiseau doit faire face à la déforestation et aux agriculteurs qui les tuent quand ils s’attaquent à leurs plantations de cacahuètes dont ils se nourrissent… Ajoutons à cela que cet oiseau est monogame donc fidèle à la vie, à la mort à son conjoint, ce qui ne facilite pas sa reproduction…
Et d’énormes empreintes de dinosaures…
Le naranjillo…. L’arbre avec lequel on fabrique les charangos
Et la superbe vue sur le canyon, depuis le mirador, 350 mètres au dessus. Les falaises abritent les nids des parabas frente roja.
Puis 750 marches pour descendre jusqu’aux piscines naturelles au fond du canyon…
Casilda est aux petits soins pour Louis et le porte sur son dos pour éviter qu’il ne se mouille les pieds…
Puis le retour, 750 marches à grimper…
Le Parc Toro Toro bénéficie de l’appui d’organismes extérieurs, associations américaines, Union Européenne… pour développer son offre touristique, les infrastructures… dans le cadre de programmes de lutte contre la pauvreté.
Le lendemain, nous voilà repartis, non pas avec Casilda qui travaille au collège, mais avec son ami Gabriel et notre fidèle compagnon australien (qui a dû apprécié nos traductions de la veille…).
Direction « Las siete vueltas », un incroyable gisement de fossiles marins. Les enfants cherchent, creusent… à la recherche du moindre fossile, coquillages ou plantes marines.
Au retour, nous pressons le pas, l’orage gronde.
Et Gabriel nous amène chez Cassilda qui nous fait la surprise de nous inviter à dîner tout en regardant un DVD sur… les dinosaures bien sûr.
Au menu, pommes de terres, maïs et fèves tout juste sortis du chaudron accompagnés de sel et d’aji, le piment local, à consommer avec parcimonie pour les non-initiés…
Après 5 superbes jours à Toro Toro, nous reprenons la route en sens inverse.
Nous repassons devant les plantations anéanties par un orage de grêle, 10 jours avant.
Des plantations de goyaves et champs de maïs détruits… Particulièrement touchant quand on sait que ces familles ont déjà si peu. Régulièrement, dans les régions traversées, des panneaux indiquent l’intervention d’associations (comme la Fundacion contra el hambre), de l’Unicef pour lutter contre la pauvreté.
Evo Morales, le très populaire président depuis 2005 (premier indigène élu président), a énormément fait pour lutter contre la pauvreté notamment par des programmes sur l’eau comme l’apport de l’eau potable à de nombreux foyers et les investissements dans l’irrigation pour améliorer la productivité de l’agriculture et dépasser le stade de l’agriculture de subsistance.
La pluie de la veille a dégradé la route qui n’avait pas besoin de ça…
Puis de nouveau bloqués dans un passage à gué. Mais nous bénéficions rapidement de main d’oeuvre car nous empêchons un véhicule-taxi de passer…
Au bout d’1/2 heure, nous reprenons la route.
Puis de nouveau, démontage des roues jumelées pour ôter des pierres coincées. La manœuvre est rôdée, le geste précis…
Nous dînons sur la place du village de Tarata autour d’un traditionnel « poulet/frites/riz », accompagné d’un jus de papayes.
Le lendemain, nous effectuons quelques achats au marché : agneau, miel, maïs, fèves, pommes de terres, papayes, mandarines, blé cuit, pain de maïs…
Puis partons vers le nord en direction du Parque Nacional Amboro.