26/03/15 : de Potosi a Sucre
Nous découvrons Potosi, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, ville de plus de 100000 habitants la plus haute du monde à 4090 mètres.
Le centre de Potosi présente l’héritage colonial le plus important et le mieux conservé de Bolivie.
En effet, les fabuleux gisements d’argent du « cerro rico », montagne riche, fit surgir la plus importante ville du Nouveau Monde pendant la période coloniale avec ses 160 000 habitants. A partir de 1545, les espagnols s’installèrent à Potosi.
Le roi d’Espagne fit construire la Casa de la Moneda en 1773.
Du XVIème au XIXème siècle, la Casa de la Moneda frappa la monnaie pour l’Espagne (jusqu’en 1825, date de la création de la République de Bolivar), pour les Provinces Unies du Rio de la Plata (Argentine) et pour la Bolivie jusqu’en 1951.
Tout l’argent extrait était transformé en lingots et monnaies pour l’exportation.
A l’époque, « tan rico que Potosi » était une expression synonyme d’opulence.
Actuellement, les billets de la Bolivie sont fabriqués en France, les pièces au Canada et au Chili.
Ce majestueux bâtiment de style baroque est aujourd’hui un musée sur l’histoire de la colonisation espagnole à Potosi et son pendant, l’esclavage de millions d’indigènes qui travaillèrent jusqu’à épuisement dans les mines du Cerro Rico et à la fabrication de pièces à la Casa de la Moneda.
On estime à 8 millions le nombre d’indigènes et de noirs (venus d’Afrique par le commerce triangulaire) morts pendant cette période.
A Potosi, on dit qu’à cette époque, on aurait pu construire un pont en argent entre Potosi et l’Espagne avec tout l’argent extrait du Cerro Rico et, en retour, on aurait pu édifié le même pont avec les os des indigènes et des noirs morts à la tâche…
Potosi s’est construite progressivement au pied de son « cerro rico » dans un dédale de rues étroites et pentues. Seuls des minibus Nissan peuvent circuler à Potosi…
Les fumées d’échappement des vieux véhicules en circulation associées à l’altitude rendent l’air difficilement respirable à certains moments de la journée.
Potosi a conservé de son prestigieux passé colonial de beaux bâtiments colorés sur sa place principale et certaines rues adjacentes.
Les bâtiments publics sont en très bon état mais le patrimoine privé n’est pas entretenu par manque de moyens de ses habitants.
Visite de la Cathédrale du XIXème siècle, en travaux depuis 4 ans et encore pour 4 ans…
C’est par une petite porte sur l’arrière de la cathédrale que nous entrons dans ce bijou d’architecture aux diverses influences. La façade est baroque, l’intérieur néoclassique et l’autel néogothique.
Ses planchers sont en bois de pin de la province de Castilla Leon en Espagne, ses vitraux proviennent de Murano dans la lagune de Venise et son orgue d’Allemagne.
Nous tombons sur le gardien des lieux et guide qui nous fait partager en humour son amour de cette cathédrale…
Le marché municipal
Et ses étals de viande en plein air…
Visites des mines du Cerro Rico
Tenue règlementaire exigée…
Avant toute visite de la mine, il est de coutume de s’arrêter au marché des mineurs dans la partie haute de Potosi pour acheter quelques présents pour les mineurs que nous rencontrerons dans la mine.
Au choix, du matériel, des bâtons de dynamite (en vente libre), du salpêtre (pour les dynamitages), des feuilles de coca, des sodas…
Evidemment, les enfants se ruent sur la dynamite…
Pour 15 bolivianos (2 euros), on peut repartir avec le bâton de dynamite, le détonateur à mèche et le salpêtre !
La mine principale est située à 4200 mètres et composée de 17 niveaux de travail séparés d’une hauteur de 30 mètres de l’un à l’autre. Elle produit actuellement de l’argent, du plomb, de l’étain et du zinc.
Le coût d’extraction des minerais devenant non rentable par rapport aux cours mondiaux, la société d’état, la Comibol, a licencié massivement pour se désengager progressivement de cette activité d’extraction. La Comibol a incité les mineurs à s’organiser en coopératives pour continuer leur travail.
Aujourd’hui près de 15000 mineurs organisés en coopératives exploitent toujours ces mines dans des conditions très précaires, n’ayant pas les moyens d’investir dans des systèmes mécanisés.
Seule l’espérance de gains, avec des salaires de l’ordre de 4000 bolivianos par mois, génère encore des vocations. Par comparaison, un enseignant gagne environ 2000 bolivianos (300 euros environ). Mais l’espérance de vie de ces hommes ne dépasse pas 50 ans…
Autour de ces mineurs en coopérative travaillent des tâcherons employés à la journée (100 bolivianos pour 8 h de travail) par les mineurs pour évacuer les minerais qui partent à l’usine de séparation des minerais. Tout se fait à l’ancienne, le minerai est même chargé à la brouette dans les camions…
On évolue dans la mine dans des tunnels étroits (claustrophobes s’abstenir), dans la boue et l’eau, en laissant bien sûr la priorité aux wagonnets de minerai…
Les mineurs nous expliquent que leur rythme de travail s’adapte aux variations des cours mondiaux des minerais côtés à Londres. Quand les cours sont élevés, ils redoublent d’efforts, travaillant jusqu’à 24 heures d’affilée, aidés par les feuilles de coca qu’ils mâchonnent en permanence. Lors de ces pointes d’activité, les paysans des alentours se font embaucher à la journée pour dégager le minerai de la mine. Quand les cours baissent, les mineurs essaient, fonction de leurs possibilités, de stocker.
Les mineurs ont de nombreuses croyances.
A l’époque de la colonisation, les mineurs esclaves furent incités à croire que El Tio, créature à corps d’homme, contrôlait tout ce qui se passait sous la terre et que la mine était sous son pouvoir. El Tio était vénéré et craint.
Aujourd’hui encore, les mineurs effectuent des offrandes (alcools, cigarettes, soda…) à El Tio pour qu’il les protège et leur permette de trouver toujours du minerai. Chaque année, au mois de mai, un lama est sacrifié et son sang est répandu à l’entrée de la mine et autour d’El Tio.
Une fois le minerai sorti par wagonnet de la mine, il est chargé à la brouette dans des camions pour rejoindre les usines de séparation des minerais. Dans ces usines, on mouline les minerais pour les réduire en poudre qu’on mélange ensuite avec de l’eau et des produits chimiques pour séparer les minerais (traitement au mercure pour l’argent). Ces usines, très rentables, sont aux mains de riches boliviens, de membres politiques influents ou de groupes étrangers.
Après cette visite plutôt oppressante au cœur de la terre, vite une grosse bouffée d’oxygène…
Direction la Laguna de Tarapaya connue sous le nom de « El ojo del Inca ».
C’est un lac circulaire d’une cinquantaine de mètres de diamètre à 3300 mètres dont l’eau jaillit des entrailles de la terre pour maintenir une température de l’ordre de 34°…
L’Empereur Inca venait de Cuzco pour soigner ses rhumatismes dans les eaux du lac en forme d’œil d’où son nom « Ojo del Inca ».
C’est incroyable comme on peut prendre vite goût à ces bains chauds…
Grégoire seul au petit matin dans sa « piscine »…
Nous passons la journée dans l’eau, ressortant les bouées et matelas, comme à la mer…
Nous reprenons la route en soirée, direction Sucre.
Une halte au village de Betanzos.
Nous profitons de son marché dominical pour nous réapprovisionner en fruits et légumes.
La nuit suivante est agitée par les résultats des élections du jour, des maires et gouverneurs.
Ici pas de wifi, il faut se connecter comme tous les villageois dans des salles équipées d’ordinateurs reliés au réseau, avec en prime des claviers sud-américains donc non Azerty…
C’est encore Apolline qui s’adapte le plus rapidement : l’informatique espagnol n’a plus de secret pour elle…
En route pour Sucre, capitale constitutionnelle de la Bolivie.
Et un petit apéritif en soirée pour fêter à distance l’anniversaire de … Papi.
Joyeux anniversaire Papi, Papa … On t’attend pour le fêter au Pérou ou en Equateur en mai!!!
Nous stationnons sur une place au calme, à proximité immédiate du centre-ville.
Nous apprécions énormément la ville de Sucre, vivante, moderne, au riche patrimoine architectural et aux universités réputées. La Capitale constitutionnelle de la Bolivie est une ville de 215 000 habitants à 2750 mètres d’altitude, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco.
La transition par rapport à Potosi est brusque. Ici l’architecture coloniale est en excellent état, Sucre est une ville riche, les tenues traditionnelles sont remplacées par des codes vestimentaires plus « européens ».
De superbes bâtiments autour de la place principale, Plaza 25 de Mayo, dont le Palais du Gouvernement
La Cour Suprême de Justice, à côté du Parque Bolivar
Le Mirador de la Recoleta offre une vue panoramique sur la ville
Côté circulation, les automobilistes boliviens sont les pires que nous connaissions… A croire qu’il n’existe pas de code de la route dans ce pays (ou bien de permis de conduire ???)... C’est la loi du klaxon et de la conduite en force.
Comme à Potosi, de vieux bus Nissan assurent le transport collectif en ville. Après une première vie en Asie, ils terminent leurs « très très vieux jours » en Bolivie… C’est assez surprenant de les voir circuler avec plein d’inscriptions asiatiques sur la carrosserie et les vitres…
Depuis notre arrivée en Bolivie, nous sommes surpris de la jeunesse de sa population : aux heures de sortie des écoles, une marée juvénile envahit les rues …
Nous sommes dans la Semaine Sainte, la ferveur religieuse est intense, et nous assistons à la reconstitution du Chemin de Croix par les enfants des écoles publiques.
Nous ponctuons régulièrement notre séjour à Sucre par quelques heures de lecture à la bibliothèque de l’Alliance Française. Quel plaisir pour les enfants de lire de nouveaux livres et pour nous de dévorer des revues en français…
L’Alliance Française est installée dans une des nombreuses maisons de style colonial de Sucre. Ces bâtisses avec leur patio et jardin intérieur, leur fontaine, leurs palmiers respirent la sérénité.
Notre camping-car ressemble à un bibliobus tant nous avons amené de livres de France. Cependant, le rythme d’un tel voyage fait que nous lisons tous énormément et, au bout de 6 mois, tout est lu et relu. Quel plaisir donc de varier nos lectures…
Gabriel et Louis s’offrent des boîtes de jeu identiques aux Lego mais au ¼ du prix des Lego…
Ce sont d’excellentes copies made in China, vendues dans toute la Bolivie.
Gabriel découvre auprès des vendeurs de rue le nouvel album Panini de la Coupe d’Amérique de foot qui se déroulera au Chili à partir du mois de juin. Et une nouvelle collection débute…
Grégoire ayant son appareil dentaire de nuit cassé depuis 3 mois, nous passons chez un « odontologo », dentiste-orthodontiste, un soir à 19h30.
Il examine l’appareil de Grégoire, appareil qu’il connaît parfaitement bien, prend les empreintes des dents de Grégoire et nous confirme que l’appareil sera réparé sous 24 heures.
Le lendemain, nous récupérons l’appareil et réglons une modique somme qui ferait rêver la Sécu française !!!
Nous découvrons un excellent chocolatier à Sucre, Para Ti, pour nous fournir en lapins de Pâques et succulents chocolats…
Ajoutons à cela une très bonne pizzeria…
Et des yaourts natures au supermarché ! Depuis 6 mois, on trouvait uniquement des yaourts aux fruits mais jamais natures…
Une agréable soirée avec Sophie et Xavier que nous retrouvons à Sucre.
Nous visitons le Musée Charcas avec sa section ethnographie/archéologie et art contemporain. Malheureusement, la partie « art colonial », la plus intéressante et vaste, est fermée pour cause de travaux.
Finalement, le musée d’histoire naturelle de l’Université nous passionne beaucoup plus et le musée militaire en intéresse surtout certains…
Ces roues de papier de 130 kilomètres et 2 tonnes au total représentent les milliers de lettres écrites par des enfants boliviens et envoyées à l’ONU en 2005 pour obtenir son appui dans la demande de la Bolivie au Chili d’accès à la mer, perdu lors de la guerre du Pacifique.
Cette demande d’accès à la mer est un sujet récurrent en Bolivie.
Le 1er avril dernier, le président bolivien Evo Morales a limogé son Ministre de la Défense qui, au cours d’une visite au nord du Chili fin mars lors des fortes intempéries, arborait sur son gilet le message « El mar es de Bolivia »… Ce n’était ni le lieu ni le moment pour une telle demande…
Nous avançons bien sur l’école++.
Suite à son cours d’instruction civique sur le fonctionnement de la Vème république, Gabriel en conclut qu’il vit dans une « dictature parentale » : il nous explique que le pouvoir législatif (établir les règles), le pouvoir exécutif (les faire appliquer) et le pouvoir judiciaire (sanctionner si nécessaire) sont concentrés entre les mains de 2 personnes, nous les parents !!!
Merci l’école++ pour ces bons enseignements…
En lisant le periodico de Sucre, Correo del Sur, nous apprenons que chaque année, pendant la Semaine Sainte, Sucre organise un Festival de Musique Barroque avec concerts et opéras gratuits…
Nous assistons le vendredi soir à l’opéra « Le choix d’Hercules » dans le superbe Théâtre Gran Mariscal de Ayacucho, réplique de la Scala de Milan.
Le dimanche de Pâques, nous assistons à la messe en la Cathédrale de Sucre.
Puis passons l’après-midi au Parque Bolivar et sa multitude de jeux. Au milieu du parc, une réplique de la Tour Eiffel…
Nous rendons également visite aux services de l’« Emigracion » et de la « Aduana » pour tenter de prolonger notre visa de 30 jours dans le pays. Nous tombons sur des fonctionnaires compréhensifs qui nous accordent 30 jours supplémentaires, bien que nous ne soyons pas encore à l’échéance des 30 premiers jours. Nous pouvons dorénavant rester 2 mois en Bolivie.
Nous effectuons le plein de carburant avant de quitter Sucre. Le pompiste nous propose spontanément de revenir sans le camping-car mais avec un bidon vide de 20 litres.
Ainsi, comme il remplit un bidon et non pas le réservoir de notre véhicule étranger, il peut appliquer le prix bolivien (3.72 bol.) et non international (8.88 bol.), et éviter d’éditer une facture lourde en administratif. Il nous indique que nous pouvons procéder ainsi à chaque station service.
Après 9 jours à Sucre, direction El Parque Nacional Toro Toro à 250 kilomètres…